L’ecrivaine francaise de la seconde moitie du XIIe siecle, Marie de France a cree des œuvres traitant de la grande matiere de Bretagne parallement aux grands romans de Beroul et de Chretien de Troyes. Elle a reecrit les histoires d’Ovide en les adaptant au monde arthurien sous la forme de lais narratifs. Dans ses Lais, Marie a combine le merveilleux celtique traditionnel et le monde courtois de son epoque. Ainsi, le ≪merveilleux≫ est un element inseparable dans les Lais. Depuis l’edition princeps des Lais (1820), le theme de ≪merveilleux≫ est aborde par plusieurs chercheurs. Pourtant, comme le terme ≪merveilleux≫ est flou, les recherches le definissent a chaque fois avec leurs propres mots. Mais la plupart des etudes decrivent le ≪merveilleux≫ en utilisant quelques expressions comme ‘feerique’, ‘les elements surnaturels [qui] ne provoquent aucune reaction particuliere ni chez les personnages, ni chez le lecteur implicite’. Depuis l’etude d’Ernest Hoepffner, l’auteur de la premiere etude generale sur Marie de France, qui utilise deja le terme de ‘lais feeriques’ pour regrouper sous cette appellation trois lais, Lanval, Yonec, Guigemar, on a l’habitude de considerer de fait ces trois lais comme des ‘lais feeriques’. En outre, la critique sur le ≪merveilleux≫ par Tzvetan Todorov influenca les medievistes.
Les elements surnaturels ne provoquent aucune reaction particuliere ni chez les personnages, ni chez le lecteur implicite. [...] On lie generalement le genre du merveilleux a celui du conte de fees. [...] les evenements sumaturels n’y provoquent aucune surprise.
Pourtant, il nous semble que les expressions qui decrivent le ≪merveilleux≫ restent encore peu claires. Il est donc necessaire de reconsiderer les termes proches du ≪merveilleux≫, comme le ‘feerique’, le ‘fantastique’, le ‘surnaturel’, avant d’analyser le texte meme. Des son prologue Marie de France montre son intention de se distinguer de ses contemporains et de ses ascendants. Il est donc necessaire de considerer son ≪merveilleux≫ dans son intention de montrer sa particularite. Notre etude se concentre sur Guigemar, classifie comme faisant partie du groupe des ‘lais feeriques’ par Ernest Hoepffner. Lui-meme le decrit comme suit: “il forme en effet une transition entre les purs contes de fee que sont Lanval et Yonec, et les autres lais tout humains de Marie” et “le lai se compose en realite de deux contes de nature tres differente: a la base de la premiere partie du poeme, un veritable conte de fee; et une aventure tout humaine, sans aucun element merveilleux, dans la deuxieme”. Par l’analyse de Guigemar, nous verrons la particularite du ≪merveilleux≫ chez Marie de France surtout dans sa relation avec la ‘reecriture’ et ‘l’amour’ que Marie decouvre. Dans la premiere partie, nous reconsiderons la definition du ≪merveilleux≫ en comparant les notions voisines avant d’analyser le texte, En verifiant le sens, nous trouverons le sens degage du ‘feerique’ et des ‘evenements surnaturels [qui] n’y provoquent aucune surprise. Dans la deuxieme partie, nous verrons le ≪merveilleux≫ dans Guigemar sous la relation avec sa ‘reecriture’ en comparant celui dans Lanval et Yonec et aussi avec Chevrefeuille et Laustic qui font apparaitre le ≪merveilleux≫ d’une maniere indirecte. Enfin, nous lirons toujours Guigemar en le comparant cette fois-ci avec Guingamor, lai anonyme mais aussi ‘feerique’, en nous concentrant sur la ‘reaction particuliere’ envers le ≪merveilleux≫ dans les textes et nous le verrons dans sa relation avec ‘l’amour’ tel qu’il se developpe chez Marie.