Parmi les mythes rimbaldiens, tres connus grace aux critiques d’Etiemble, c’est peut-etre le mythe du silence qui peut etre considere comme le dernier mythe rimbaldien, car il resume tous les problemes traditionnels rimbaldiens qui convergent vers le renoncement a la poesie dans un profond silence enigmatique. Or nous contestons ce fameux silence de Rimbaud en ce sens ou la poesie de Rimbaud n’implique ni rupture, ni vide, mais aboutissement d’une evolution secrete. Le silence de la poesie chez Rimbaud, selon nous, est different, foncierement, de la poesie du silence. Si nous remettons en question ce phenomene paradoxal de silence rimbaldien, c’est que nous pensons saisir le sens de ce que le silence poetique de la poesie rimbaldienne s’abstient absolument de dire, et que l’evolution poetique de Rimbaud n’aboutit pas au rien, au non-sens, a ce neant negatif, au nihilisme de la parole. Rien ne nous empeche pas de supposer la fin litteraire ou l’aboutissement evolutif chez Rimbaud sans pretendre pourtant qu’ils sont explicites. Ils font partie de la poesie du silence, et d’un sens intentionnellement dissimule de la poesie, dans ce que la poesie veut decrire et suggerer a travers ses trames langagieres, dans ce qu’on appelle ut pictura poesis. Le sens de la poesie chez Rimbaud, contrairement au fameux silence, au renoncement a la poesie, remet en consideration les problemes rimbaldiens, surtout la datation de ses deux dernieres oeuvres, Une saison en enfer et les Illuminations. L’etude recente de Steve Murphy, depuis celle graphologique d’Henry de Bouillane de Lacoste en 1949 et celle d’Andre Guyaux en 1985, a fait beaucoup avancer les etudes sur les Illuminations grace auxquelles nous supposons que les Illuminations sont tres probablement la derniere oeuvre de Rimbaud, au lieu de suivre la theorie contestable du chevauchement de Guyaux, sans dire naturellement qu’elles n’ont pas ete ecrites avant Une saison en enfer. Il nous semble plus pertinent de penser que la forme des f miniscules et bouscles est 《un indice diachronique》 : il permet de s’assurer que, en constatant que les f miniscules des Illuminations sont boucles, les Illuminations sont la derniere oeuvre de Rimbaud. Malgre tout, il faut dire que l’etat de copie des Illuminations ne precise pas quand le projet et la realisation des Illuminations ont ete menes a terme soit avant soit apres Une saison en enfer. Ce qui nous semble sur c’est le point de vue editorial sur les deux dernieres oeuvres selon lequel les Illuminations sont certainement la derniere oeuvre de Rimbaud. Si nous ne pensons pas que toutes les difficultes chez Rimbaud puissent etre resolues meme apres ces acquis philologiques sur le probleme de la datation, la position derniere des Illuminations prise dans l’evolution poetique de Rimbaud est tres significative pour notre hypothese sur les deux projets complementaires et distincts dans leur realisation poetique : car il nous semble que les deux dernieres oeuvres de Rimbaud ont temoigne, chacune a leur maniere, de la fin litteraire dont l’idee premiere est prevue, selon notre optique, bien avant 1873, c’est-a-dire avant Une saison en enfer et les Illuminations. Bien avant 1873, les poemes de 1872, sous-estimes par la theorie de la rupture poetique, car on avait tendance a y voir un trou par rapport aux poemes de 1871 et aux deux dernieres oeuvres, doivent etre remis en consideration differemment et profondement, si bien qu’ils nous permettent de deceler une quete poetique tres importante, celle de l’≪heure indicible≫ qui construit la poetique du silence chez Rimbaud contrairement au silence de la poesie qui serait en effet un renoncement a la poesie. Dans cette etude nous avons tres simplement essaye d’esquisser notre approche de la lecture de Rimbaud, notre remise en question de l’etude rimbaldienne au lieu de presenter une etude approfondie. Dans ce contexte il est tres important de saisir dans les poemes de 1872 la quete poetique de Rimbaud et de reconsiderer le sens et l’importance des poemes, par exemple, les quatres poemes de Fetes de la patience, Solde, Genie. Cela nous permet de mieux estimer comme il faut le sens poetique de Rimbaud.