La genese du romantisme francais ne peut etre separee des moments musicaux qui se vivent au tournant du XVIIIe et du XIXe siecle. La musique est une composante de l'epoque romantique, et forme comme un axe essentiel de la sensibilite du temps. Stendhal, romantique, etait plus sensible a la musique que les autres ecrivains. Dans un apprentissage esthetique surtout en Italie, Stendhal accumule de nombreux documents, souvenirs, impressions, images, anecdotes et emotions profondes etc. relatifs a la musique, si bien qu'il publie un ouvrage critique de musique, Vie de Rossini (1823) qui temoigne de son engagement romantique. Dans cet article, nous nous proposons d'observer comment le dilettantisme s'y exprime chez Stendhal a travers ses idees sur la musique. Chez lui, la musique a deux effets. D'abord elle fournit a notre imagination des images seduisantes relatives a la passion qui nous occupe dans le moment. Elle est donc creative, dans la mesure ou elle est un art qui permet une esthetique de l'instant, dans laquelle se produisent de nouvelles images chaque fois qu'elle touche l'ame humaine. Et puis, la musique nous donne un pouvoir de reflexion sur nous-memes. Avec elle, nous acquerons plus de lucidite. Elle est, si l'on veut, comme un miroir dans lequel nous nous observons. C'est ainsi que l'effet musical vient a la rencontre de l'egotisme de Stendhal. En ce sens, les dilettanti se distinguent, pour Stendhal, non seulement des amateurs pedants, mais aussi des amateurs sensibles. A la difference des gens sensibles qui recherchent dans l'experience musicale, un plaisir immediat, physique, mais passif, les dilettanti veulent plus de suavite, plus de chant doux confie aux voix humaines, c'est-a-dire plus d'expressivite et une participation active a l'expression des passions. Le dilettantisme chez Stendhal a donc un sens plus pratique qui est de faire apparaitre les nuances de sentiment inconnus a nous-memes. Comme spectateur romantique par excellence, le dilettante devient celui qui retrouve sur scene avec extase l'expression des passions qu'il a vecues. Nous retrouvons ici ces deux modes de relation au spectacle, la sensation et la perception, si difficilement conciliables dans l'existence, mais qui trouvent dans l'experience esthetique un heureux equilibre. Les dilettanti preferent donc la musique vocale (melodie) a la musique instrumentale (harmonie). Parce que la voix porte la teinte de la passion dans ce qu'elle chante et la parole qui indique a l'imagination des auditeurs le genre d'images qu'ils doivent se figurer. C'est bien pour cela que Stendhal a une grande affection pour l'opera ou le recitatif. L'harmonie des instruments se limite ici a jouer un role de renforcement de la melodie sans jamais nuire a la voix. Meme dans le courant de la revolution qui precipite la musique vers l'harmonie compliquee, Stendhal fait donc un eloge eclatant de la perfection de l'union de la melodie antique avec l'harmonie moderne, qui se trouve dans Tancrede de Rossini. En fin de compte, Stendhal trouve une beaute ideale dans la nouveaute de ce style qui se decouvre dans les premiers ouvrages de Rossini, et il fait entrer cette idee dans son systeme esthetique. Comment Stendhal a-t-il pu configurer cette beaute ideale dans le monde romanesque? Ceci fera l'objet d'une etude ulterieure qui sera d'observer les lieux ou la musique rencontre la litterature.